Pas d'effet domino positif sans industriels actifs

Publié le 28 août 2023

Les industriels et les cabinets dentaires font partie d’une même chaîne d’écoresponsabilité dans laquelle chacun à son rôle à jouer. Fabricants et fournisseurs se doivent de proposer des solutions répondant aux critères du développement durable. Le point avec Laurent Chometon, directeur général de GACD et membre du Comité directeur du Comident, l’association professionnelle représentant les fabricants et distributeurs de produits dentaires.

Le dérèglement climatique va perturber le système de santé et la manière de travailler dans les cabinets dentaires. Il a, et aura encore plus, pour conséquence d’entraîner des changements majeurs. L’activité et l’offre de soins vont devoir s’adapter à une double contrainte carbone : réduire ses émissions de gaz à effet de serre et chercher des alternatives aux produits polluants et énergivores. L’heure n’est plus au greenwashing mais à l’action. 

Greenwashing vs écoresponsabilité, où en est-on ?

Laurent Chometon : L'épisode du Covid a modifié les consciences, il a été un accélérateur. Cette pandémie nous a notamment fait réaliser que nous n’étions pas autonomes sur le plan industriel, qu’il fallait revenir à une part plus importante de production locale et qu’il y a moins de pollution quand tout s’arrête. Elle a contribué à la prise de conscience globale dans l’urgence climatique. Nous sommes maintenant plus éduqués sur le sujet de l’éco-responsabilité. Désormais le greenwashing est plus dangereux et de moins en moins présent. C’est faire fausse route que de mener de petites actions pour se donner bonne conscience et poser une pastille verte sur un produit. Aujourd’hui la démarche se doit d’être réfléchie du début à la fin de la chaîne, par exemple afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Et lorsqu’un produit vient du bout du monde parce qu’on ne peut pas encore faire autrement, il va devoir prendre le bateau qui émet 100 fois moins de CO2 par tonne.km que l’avion, avec un impact de plusieurs semaines sur le délai de livraison. 

La profession dentaire en demande de solution

L.C. :  La situation a changé au cours des dix dernières années. Le niveau d’exigence environnementale et réglementaire monte, à marier avec la nécessité de conserver de la croissance pour que les entreprises puissent financer des innovations. Cette situation met une pression sur l’ensemble de la filière dentaire pour accompagner ces mouvements de sociétés.  

Une responsabilité à se partager

L.C. : En effet, les cabinets dentaires, les distributeurs et les industriels font partie d’une même chaîne de responsabilité dans laquelle chacun à son rôle à jouer. Les industriels doivent fabriquer de manière plus éco-responsable, les distributeurs doivent adapter leurs chaînes logistiques et les utilisateurs endosser leur part de responsabilité, par exemple sur la fréquence des commandes ou les retours. Et comme dans tous les secteurs d’activité, pour que l’utilisateur achète, jette et recycle efficacement, il faut que l’offre de service soit adaptée. Quant au prix, plus les choix se porteront sur des produits écoresponsables, plus leur coût pourra baisser. 

Il nous appartient collectivement
de faciliter la mise en œuvre d’une démarche écoresponsable.

L’offre de produits écoresponsables
est-elle disponible ?

L.C. : En 2014, à l’époque de l’enquête* menée par l’ADF, il est vrai qu’il n’existait pas assez d’offres de produits écoresponsables sur le marché. Aujourd’hui la situation a évolué dans deux directions concrètes : la réduction de l’utilisation des plastiques à usage unique et la réduction de l’utilisation de produits perturbateurs endocriniens (mercure, bisphénols). L’offre actuelle ne promet pas d’être 100% écoresponsable, mais un pas de géant a été fait. Sur les 150 entreprises membres du Comident, 44% d’entre elles ont entamé une démarche RSE (responsabilité sociale des entreprises) ou ont structuré une démarche écoresponsable, selon une enquête menée par le Comident en 2022.  

Existe-t-il des écolabels
et sont-ils fiables ?

L.C. : Il n’existe pas d’écolabel dans notre domaine, à part sur le carton. C’est un sujet qui devra évoluer. Actuellement, les fabricants, les distributeurs avisent le praticien par une déclaration sur leur produit : « 46% de papier en moins dans votre emballage », finalement c’est presque plus concret qu’un label posé sur le produit.  

Quelles sont les difficultés persistantes ?

L.C. : La principale difficulté est de combiner les enjeux de qualité de soin et l’écoresponsabilité. En utilisant des produits à usage unique, on gagne en sécurité mais on génère des gaz à effet de serre, c’est incohérent. La fabrication d’un plateau en inox nécessite 47 fois plus de CO2 qu’un plateau plastique. Donc si vous utilisez votre plateau 48 fois, vous devenez écoresponsable, et cela avant même d’avoir intégré l’impact du transport de tous ces plateaux en plastique, puis de leur destruction. Il faut donc un arbitrage et consentir à des efforts du côté des industriels pour proposer des produits sécuritaires stérilisables et du côté des cabinets dentaires pour adapter leur pratique. Une autre difficulté concerne les emballages et suremballages, inévitables pour certains matériels comme les seringues. Mais modifier des lignes de fabrication et assurer la sécurité dans les étapes logistiques de distribution constituent des vrais obstacles. 

De quelle manière accompagner les industriels dans une démarche écoresponsable ?

L.C. : Le Comident s’est engagé depuis juin 2022 dans une démarche d’accompagnement et d’information de ses membres sur l’intérêt de s’impliquer dans une démarche RSE priorisée sur trois axes : environnemental, économique et social.  

La digitalisation des supports commerciaux a démarré. Elle permet de limiter l’impression sur papier et l’acheminement des supports dans les cabinets ; elle est plus facile à mettre en œuvre qu’une digitalisation des notices des dispositifs médicaux soumis à une règlementation européenne, qu’il faudra nécessairement faire évoluer. Le cabinet dentaire a la possibilité d’agir sans délai sur différents volets. Il peut, par exemple, diminuer sa fréquence de commande pour être livré une fois par mois, au lieu d’une fois par semaine. Il peut aussi changer sa pratique pour plus de produits à stériliser plutôt qu’à usage unique.  

Nous avons des leviers entre nos mains pour agir à court terme : ces avancées pas à pas, concrètes et mesurables, seront bien plus efficaces que des engagements flous à long terme. Dans le domaine social, l’un de nos enjeux est de favoriser l’attractivité du secteur dentaire, méconnu des candidats. Le Comident va organiser en 2024 une journée portes ouvertes des entreprises du secteur dentaire, installer des partenariats avec les écoles, et mettre à disposition de ses adhérents une mutualisation des modules de formation d’intégration des nouveaux collaborateurs. Enfin, dans la feuille de route à 3 ans que nous avons déterminée, sur le plan économique, nous allons créer un référentiel de critères de durabilité pour des achats responsables. Cela sera un guide très utile pour les adhérents,sans doute aussi pour les chirurgiens-dentistes compte-tenu de la récurrence des achats de fournitures du cabinet dentaire, et de leurs impacts carbone.

*Enquête ADF - En 2014, un panel de chirurgiens-dentistes a répondu à un questionnaire sur le développement durable, lancé par l’Association dentaire française entre 2012 et 2014. Il en ressortait que la majorité d’entre eux, 77.3 % des 503 chirurgiens-dentistes ayant répondus, étaient prêts à acheter plus éco responsable si leurs fournisseurs proposaient des produits conformes à ces exigences, et ils considéraient que ça n’était pas encore le cas. Leur attente vis-à-vis d’une offre responsable est très élevée.  

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