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Les avantages consentis aux professionnels de santé par les entreprises sont désormais encadrés. C’est le rôle de la loi anti-cadeaux, entrée en vigueur le 1er octobre 2020. Les changements sont nombreux et il vaut mieux les connaître !
Publié le 22 avril 2021
Les avantages consentis aux professionnels de santé par les entreprises sont désormais encadrés. C’est le rôle de la loi anti-cadeaux, entrée en vigueur le 1er octobre 2020. Les changements sont nombreux et il vaut mieux les connaître !

Une loi née d'un long parcours législatif

La loi anti-cadeaux est maintenant dotée de la totalité de ses textes d’application. Une évolution législative longue puisque ses prémices remontent à la loi DMOS de janvier 19931. Une partie du texte était entrée en application via une ordonnance2 validée par la loi santé d’Agnès Buzyn3 . Les interdictions pures et simples étaient alors identifiées. L’application des autres dispositions était soumise à la publication d’arrêtés et décrets précisant les montants seuils et dispositions réglementaires. Les deux arrêtés du 7 août 2020 ont ainsi fixé les montants en dessous desquels les avantages sont considérés comme d’une valeur négligeable et les montants à partir desquels une convention stipulant l’octroi d’avantages est soumise à autorisation (et non plus à déclaration comme précédemment).

La loi concerne toute forme d'échange,
en espèces
ou en nature.

Qu'entend-on par "avantage" ?

Cette notion s’applique aussi bien à des cadeaux qu’à la rémunération de travaux de recherche ou d’expertise, à des dons destinés à financer des travaux de recherche, à l’hospitalité offerte à l’occasion de manifestations professionnelles... En clair, il s’agit de toute forme d’échange (en espèces ou en nature) entre les professionnels de santé et les entreprises visées par la loi.

Tous les professionnels de santé sont impactés

 

Depuis 1993, le dispositif anti-cadeaux concerne les professions médicales, dont les chirurgiens-dentistes. Progressivement, les lois successives ont augmenté le nombre de professionnels concernés et actuellement tous les acteurs dentaires doivent donc se soumettre à ce dispositif : chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, étudiants en odontologie ou en école de formation d’assistance dentaire, associations de professionnels de santé et d’étudiants (associations de formation, sociétés savantes, corporations étudiantes, conseils nationaux professionnels).

Le principe général de la loi est l’interdiction des avantages accordés à ces professionnels par toute personne physique ou morale qui assure des prestations de santé, qui produit ou commercialise des produits de santé. Ces dispositions n’interdisent pas pour autant toute forme de relations financières entre les professionnels de santé et les entreprises. Il existe en effet quelques exceptions.

L'interdiction de principe

 

Pour les personnes recevant un avantage, il est interdit de le percevoir en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, de la part des entreprises concernées.

À noter qu’il est considéré comme indirect, le fait de fournir un avantage via un tiers (société savante, association de professionnels de santé, etc.). Par exemple, les dons à une association d’étudiants qui utilise les fonds pour organiser une soirée étudiante, les dons à une association de chirurgiens-dentistes qui se sert des fonds pour régler des frais de participation à un congrès, ou encore les contrats de prestations de services conclus avec une société dont un chirurgien-dentiste est actionnaire.

Pour les personnes qui offrent ou promettent un avantage, il est interdit de le proposer ou de le procurer à l’ensemble de ces professionnels de santé, étudiants et associations.

La loi anti-cadeaux pose donc une double interdiction, aux acteurs de santé comme aux entreprises. La conséquence ? Une co-responsabilité pénale en cas de non-respect et des sanctions conséquentes

Déclaration ou autorisation, une procédure stricte

Désormais, pour accorder un avantage4, une convention doit être signée entre l’entreprise et le bénéficiaire. Dépôt d’une déclaration ou demande d’autorisation auprès de l’Ordre ou de l’Agence régionale de santé, la démarche varie selon le montant de l’avantage. Les seuils sont fixés par arrêté. En cas de refus, il est impossible de passer outre cet avis négatif de l’autorité compétente.

« L’EXEMPLARITÉ EST AU CŒUR DE LA NOUVELLE LOI ANTI-CADEAUX »

 

Philippe Rocher,
Président de la Commission des dispositifs médicaux de l’ADF

« La loi DMOS de janvier 1993 a jeté les bases de l’actuelle loi anti-cadeaux pour l’ensemble des professionnels de santé. Le principe d’interdiction générale assortie d’exceptions prévalait déjà. L’objectif de cette démarche vertueuse ? Favoriser l’indépendance des professionnels de santé par rapport à l’industrie pharmaceutique et aux fournisseurs de dispositifs médicaux, défendre l’intérêt du patient et celui des finances publiques puisque la Sécurité sociale est directement concernée. A suivi la loi de mars 2002 (dite Kouchner), réformée une première fois par la loi de février 2007. Mais certaines dérives relevées au sein du monde médical ont perduré.

En 2010 notamment, les scandales du Médiator et des implants PIP ont fait éclater au grand jour le manque de transparence au sein des autorités de régulation et les défaillances du repérage des alertes sanitaires. L’analyse de ces dysfonctionnements a débouché sur la loi de décembre 2011 (dite Bertrand) sur la sécurité du médicament, complétée par la première loi dite anti-cadeaux en janvier 2013. Nouvel événement marquant en 2017 : la Cour d’appel de Paris a sanctionné lourdement un groupe de vente de matériel dentaire pour la mise en place d’un système de fidélisation des chirurgiens-dentistes via l’octroi de cadeaux.

Après plusieurs étapes entre 2017 et 2020 (ordonnance, décret et arrêtés), la législation a encore évolué pour aboutir aujourd’hui à un nouveau texte qui met en cohérence les dispositifs anti-cadeaux et transparence. Désormais, les entreprises fabriquant et commercialisant des produits de santé ont l’obligation5, de déclarer les montants des avantages qu’elles accordent aux professionnels de santé sur une plateforme en ligne accessible au public6.

L’exemplarité est aujourd’hui une notion régulièrement mise en avant dans le débat public, notamment au sein du monde politique. Ce que nous dit cette nouvelle loi anti-cadeaux en filigrane c’est que cette notion doit s’appliquer à tous. Si nous reprochons aux personnalités publiques de recevoir des gratifications, il en est de même pour nos patients qui ne comprennent pas pourquoi nos fournisseurs nous offrent des cadeaux. L’Agence française anticorruption créée en 2016 a établi des règles pour toutes les entreprises et celles-ci s’appliquent également au monde médical. Les derniers textes de la loi anti-cadeaux vont dans ce sens. »

1 Loi portant diverses mesures d’ordre social (DMOS) du 27 janvier 1993. Elle interdisait déjà « le fait pour les membres des professions médicales de recevoir des avantages en nature ou en espèces sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale ».
2 Ordonnance n° 2017-49 du 19 janvier 2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé.
3 Art. 77 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
4 Cela est rendu possible car dérogatoire au regard des dispositions de la loi. Le principe général est l’interdiction de tout avantage sauf ce qui n’est pas considéré comme un avantage ou ce qui est possible sous dérogations.
5 La loi Bertrand de 2012 a institué cette obligation. La loi santé a élargi le sujet.
6 www.transparence.sante.gouv.fr

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